Gentleman

Si je vous dis lounge et trip hop, il est bien possible que la période qui vous vienne à l’esprit spontanément soit la jonction entre les années 1990 et 2000, époque bénie pour ces genres électroniques relaxés et sophistiqués qui fleurirent particulièrement en France en parallèle de la house. L’interprétation de ces genres que l’on décortique aujourd’hui est beaucoup plus moderne, mais le retour dans le temps est on ne peut plus plaisant…

Avec la sortie de Osam (2022), le duo viennois Tosca, composé de Richard Dorfmeister et Rupert Huber, nous offre un neuvième album bardé de textures sonores et d’atmosphères enveloppantes. Osam se caractérise par des réminiscences de la lounge électronique d’il y a 25 ans, mais également par sa diversité de genres, mêlant des influences électroniques, dub, et des sons plus organiques dans des pistes particulièrement généreuses, qui dépassent volontiers la marque des 7 à 8 minutes pour un total d’une heure et quart – un format qui semble, lui aussi, revenu tout droit de la fin des 90s ! Au fur et à mesure moins docile qu’il n’y paraît (l’album n’hésite pas à aborder des textures plus sombres, voire à faire du pur ambient), Osam propose aussi certaines pistes on ne peut plus élégantes, idéales pour confectionner une sublime ambiance dans votre intérieur. Et même dans ces moments plus faciles à l’écoute, Tosca n’hésite pas à s’aventurer hors des sentiers battus, en faisant par exemple intervenir de la slide guitar digne d’un bayou louisianais au milieu d’un titre aérien qui évoque plutôt le hall des départ d’un aéroport imaginaire. La preuve en musique avec quelque chose de simple pour commencer, comme par exemple l’élégant « Gentleman« …

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

💡Si vous aimez ceci, vous aimerez sans doute… La deep house de St Germain, la house jazzy de Llorca ou l’électro sophistiquée de Bugge Wesseltoft.

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Roll The Credits

C’est une expression française qui retranscrit un sentiment bien répandu : l’esprit de l’escalier. Il vous est sans doute déjà arrivé de terminer une interaction avec d’autres personnes en vous disant, après coup, que vous auriez pu dire les choses d’une manière plus pertinente. Avez-vous déjà eu l’idée parfaite une fois descendu de l’estrade ? C’est de cette situation qu’est issue cette expression imagée qui désigne le ressenti qu’il nous restait tant à dire une fois que le moment est passé. Un ressenti qui a sans doute touché l’artiste qui nous intéresse aujourd’hui, mais qu’elle a heureusement pu soulager… Pour le plaisir de nos tympans.

Pour une avocate commise d’office comme Danielle Ponder, l’esprit d’escalier était certainement quelque chose de terrible. L’idée formulée trop tard avait dans son cas, on l’imagine, des conséquences à long terme et des retentissements substantiels dans la vie de certains de ses clients. Est-ce une des raisons pour lesquelles cette habituée des tribunaux a choisi de se lancer à 40 ans dans une carrière entièrement nouvelle dans la musique ? C’est bien possible, même si tous les autres déterminants à ce changement de cap surprenant n’attendaient qu’à être mis en résonnance. Passionnée de musique et de gospel dès le plus jeune âge, apprenant la guitare à l’adolescence et mettant en valeur sa voix soul intense dans un groupe de musique familial depuis lors, il ne manquait semble-t-il qu’un rien pour que la talentueuse Américaine plonge dans le grand bain. Et quel succès ! Avec Some Of Us Are Brave (2022), Ponder réalise un debut album captivant qui convoque, en vrac, la nu soul, le trip hop ou le rock alternatif. Les faits laissent toutefois entendre que cette effervescence créative s’est conclue… Après la publication de l’album. Heureusement, la musique offre à l’esprit de l’escalier ce soulagement qu’une plaidoirie devant la cour ne permet pas : la réédition augmentée, ou deluxe, de l’album. C’est ainsi qu’en 2023, à ce superbe début, Ponder offre dans une édition plus complète de Some Of Us Are Brave l’album closer qui aurait toujours dû être là avec le coup de poing « Roll The Credits« . De son titre formulé à l’impératif (« Lancez le générique ») à sa tonalité nu soul épique à la limite du blues et du rock alternatif, « Roll The Credits« , en tant que dernière pièce versée au dossier, présente en tout cas des arguments assez convaincants pour donner envie à tout jury d’écouter le reste de l’album.

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

💡Si vous aimez ceci, vous aimerez sans doute… La soul puissante d’Aretha Franklin, des Black Pumas ou de Tina Turner.

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The Spider Starves

Les mélodies qui font le mieux résonner cette période d’octobre et d’approche d’Halloween, que l’on savoure pleinement sur TGIF, ont souvent une nuance mélancolique, une certaine profondeur qui éveille des émotions ambivalentes. Semblant sortir tout droit d’un vieux gramophone dans un manoir étrange, le titre d’aujourd’hui invite à explorer par la pensée les lieux sombres que suggère la pochette de son album. Crépitements, voix fantomatique et rythmes électroniques se mêlent dans l’univers singulier de Public Memory…

Public Memory est le projet solo né en 2016 du musicien Robert Toher, spécialiste de musiques électroniques sombres et ancien membre d’un duo déjà dans cet esprit. Avec le tout récemment paru Elegiac Beat (2023), l’artiste indépendant Américain poursuit son voyage à travers les ombres mystérieuses de l’automne. Conception sonore lo-fi et granuleuse, Elegiac Beat représente le style caractéristique de l’artiste qui s’appuie sur des samples étranges ponctués par des notes organiques et un chant spectral hypnotique pour créer un captivant mélange de trip-hop et de krautrock. Atmosphérique à souhait, envoûtant mais jamais inconfortable, Elegiac Beat fait partie de ces albums à l’ambiance maîtrisée de bout en bout, jusqu’à sa couverture vintage, intrigante à souhait, où une demeure qui fait penser aux classiques de maisons hantées, The Changeling (1980) ou The Haunting (1963) en tête, surplombe la forêt dans la clarté d’une lune rousse. De quoi régaler les amateurs du genre ! On se laisse sur « The Spider Starves« , exemple très représentatif de l’album, qui mêle les craquements d’un vieux disque à des nappes synthétiques vrombissantes entrecoupées de quelques notes de slide guitar…

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

💡Si vous aimez ceci, vous aimerez sans doute… Les inspirations trip-hop inquiétantes de Akira Yamaoka pour la bande originale de Silent Hill, Buckethead ou dans un style plus rock les excellents Last Ex.

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Underwater Love

Un trip hop sensuel pour débuter l’année et fêter le premier vendredi de 2022, voilà ce qu’il vous faut ! Retour dans le temps avec un titre de 1995 qui fera voyager vos tympans d’un continent à l’autre…

Lorsque Smoke City publie « Underwater Love« , son premier titre, celui-ci sera accueilli dans une certaine indifférence. C’est son utilisation dans une publicité Levi’s deux ans plus tard qui donnera un coup de projecteur sur le groupe Britannique éphémère (la formation se séparera à l’aube des années 2000) et fera de ce titre l’ouverture de leur premier album, Flying Away (1997). Trip hop d’inspiration brésilienne marquée, Flying Away est un mélange de délicieuses mélodies et d’exotisme (la songwriter et chanteuse, Nina Miranda, alterne entre anglais, français et portugais au cours de l’album) qui démarre sur les chapeaux de roues avec « Underwater Love« . Luxueuse ouverture d’album, « Underwater Love » aiguise forcément la curiosité avec ses presque 7 minutes au compteur et son instrumentation samplée évoquant un thème de James Bond imaginaire. Mystérieux, sensuel et irrésistiblement savoureux…

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

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Weather Storm

Délicieusement atmosphérique et mystérieux, le titre d’aujourd’hui semble taillé pour une journée nuageuse. Voici une tempête parfaite et très 90s qui ravira vos oreilles…

Publié après le fondateur Blue Lines (1991), qui a quasiment inventé le trip hop (ce mélange de sampling, d’acid jazz et de soul), Protection (1994) est la digne suite du premier album de Massive Attack. Si l’album est principalement connu pour ses singles à grand succès (dont le magnifique morceau titre, chanté par Tracey Thorn), il contient aussi quelques pistes plus discrètes mais splendides… Dont « Weather Storm« , l’instrumental qui nous occupe aujourd’hui. C’est peut-être parce-que Craig Armstrong, pianiste invité du groupe, est avant tout compositeur de musiques de films que ce titre électronique est si cinématographique… Bien que « Weather Storm » par son seul nom évoque une météo défavorable, l’image mentale d’un ciel chargé et de la pluie s’impose comme une évidence dès les premières notes de ce superbe morceau. Avec la sophistication du piano et la lenteur de l’ensemble, « Weather Storm » ne sonne pas comme une averse subie à l’extérieur, mais renvoie plutôt au confort d’un intérieur moderne d’où l’on observerait la pluie courant le long des fenêtres. De là où je vous écris et à cet instant, difficile de faire plus dans le thème !

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

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Again

Un coup de foudre comme il n’y en a pas régulièrement : j’ai découvert la sélection du jour la semaine dernière. Et avant même d’être arrivé à la fin de l’album, je commandais déjà le disque auprès d’un autre collectionneur, ensorcelé par ce que j’avais entendu. Vous est-il déjà arrivé parfois, à vous aussi, d’entendre un titre qui vous hante dès la première écoute, et d’en vouloir davantage ? Malheureusement, ici, ma collection de disque en restera privée pendant un moment – envoyée avant les fermetures de lieux publics et les mesures de confinement, la lettre du collectionneur est maintenant à l’arrêt quelque part pour une durée indéterminée, et mon système hi-fi va patienter tranquillement. En temps normal, j’aurais attendu d’avoir décortiqué attentivement le disque pour vous en toucher quelques mots, mais je ne peux résister à vous partager tout de même cet extrait spectaculaire qui m’a fait tourner la tête…

Le groupe Archive est finalement assez connu ici, mais c’est une spécificité assez européenne, voire française. C’est bien simple, il suffit de regarder sur des pages musicales internationales habituellement bien remplies – ou même sur Wikipedia – pour se rendre compte qu’internet n’est pas loquace sur la formation britannique post-rock, prog et trip hop. Pages d’albums arides, critiques inexistantes, il ne faut pas creuser beaucoup pour constater que c’est étonnamment surtout en France que la formation a bénéficié d’un certain succès. You All Look The Same To Me (2002) contient largement, en tout cas, de quoi attiser la curiosité de tout mélomane : mélange de rock progressif et d’électronique qui rappellera sans hésiter Pink Floyd comme Massive Attack, l’album s’ouvre sur une piste d’une durée qui interpelle forcément – 16 minutes, rien que ça. Et pour ma première confrontation avec Archive, autant dire que c’était une claque : avec plusieurs périodes successives, d’un début acoustique superbe à la guitare et à l’harmonica vers une évolution en groove électronique, au sein d’un crescendo dramatique parfaitement construit, « Again » est un tour de force d’une intensité remarquable. En attendant d’avoir l’occasion d’étudier davantage cette formation et de vous en reparler sans aucun doute dans l’avenir, laissez-moi partager avec vous dès aujourd’hui ce quart d’heure d’exception qui vous enveloppera les tympans, vous bouleversera l’âme et vous apaisera le cœur…

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

Faster Than The Truth

L’art est forcément influencé par la politique. Ancré comme tout un chacun dans un contexte géographique et temporel, l’artiste ne fonctionne pas dans une bulle hermétique mais évolue dans un environnement qui colore nécessairement sa production, que cela se traduise par des aspects purement pratiques pour lui ou par des oeuvre qui s’engagent plus ou moins ouvertement. Avec son nouvel album, Neneh Cherry annonce la couleur dès le titre : les décisions qui ont fini par oublier l’humain, les mauvaises actions politiques et les mensonges à tous les niveaux sont le terreau de Broken Politics (2018).

Si l’album entier est fondé sur ces problématiques contemporaines, c’est que pour Neneh Cherry, quand le peuple a été incompris, mené en bateau, il doit répondre – et voici sa réponse personnelle. Les travers de son temps, Neneh les aborde ainsi sans ambages : en privilégiant une production exceptionnellement feutrée comme écrin pour ses textes engagés, la suédoise nous offre un superbe recueil de titres minimalistes, nuancés, qui laissent la part belle à ses racines hip hop, soul et trip hop. La sélection de cette semaine, « Faster Than The Truth« , avec son ambiance sonore infiniment délicate, décrit ainsi ces mensonges qui « voyagent plus vite que la vérité » et fait évidemment écho aux fake news et aux faits alternatifs devenus impossibles à ignorer dans le quotidien. En posant ce regard conscient sur les sujets difficiles, à une époque qui apporte son lot de découragements, Broken Politics est au bout du compte un très beau plaidoyer pour la résilience. On aurait tort de s’en priver…

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

Safe From Harm

Si la scène de Bristol a inventé le trip hop avec des formations comme Massive Attack, Portishead et Tricky dans les années 90, c’est vraiment sur Blue Lines (1991) de Massive Attack que le courant est né, même si l’appellation trip hop n’apparaîtra que plus tard. Production plutôt hip hop, vocaux rap et soul se côtoient pour créer ce son incontournable des 90s, proche parent de l’acid jazz à cela près qu’il est fondé sur l’usage de samples et de boucles. « Safe From Harm » est le premier morceau de Blue Lines, et avait ainsi une mission de la plus haute importance : donner au public son premier contact avec le trip hop…

Pour l’ouverture de cet album qui deviendra culte, Massive Attack a su s’entourer : au-delà du rap de 3D, le groupe invite la délicieuse voix soul de Shara Nelson et se lance dans un groove qu’il base sur un sample du « Stratus » de Billy Cobham, monstrueux titre de jazz fusion. Si le splendide « Unfinished Sympathy » qui arrive quelques titres plus loin deviendra le plus célèbre morceau du groupe et éclipsera de fait le reste de l’album, « Safe From Harm« , avec son ambiance vénéneuse, demeure un excellent moment quelque peu oublié mais qui occupe avec une grande élégance cette place si délicate sur Blue Lines

Bonne écoute, bon weekend et à la semaine prochaine !

Protection

Tout comme les accords mets et vin existent à table, j’aime bien imaginer les posts de ce blog comme autant d’idées possibles d’accords musique/période de l’année. Les accords entre une musique et une période (un jour, une semaine, une saison) peuvent être très agréables sous plusieurs formes, par exemple en « résonance » (afin de faire ressortir un élément commun, comme en écoutant un des premiers album de The Cure en automne à l’approche d’Halloween) ou en « contraste » (où la musique vient contrebalancer les éléments saillants de la période afin de les mettre en exergue).

Cette semaine, c’est plutôt le contraste qui prédomine avec un focus sur le second album de Massive Attack, Protection (1994), qui est à voir comme une suite directe de Blue Lines (1991). Outre la pochette de l’album, qui semble répondre à son aîné, le style reste dans la droite lignée du premier effort musical du groupe. On retrouve donc une série variée de titres sentimentaux et atmosphériques, parfois marqués par des mélodies orientalisantes et des chants sous forme d’incantations. Le morceau titre qui ouvre l’album est un bon morceau typique de trip hop, un groove froid sur lequel se pose avec douceur la voix magique de Tracey Thorn (elle-même au sommet du succès cette année-là avec son duo Everything but the Girl qui vient de sortir l’excellent Amplified Heart avec le hit « Missing« ), parfait pour un vendredi placide et ensoleillé. D’ailleurs, saurez-vous reconnaître d’où est tiré le célèbre sample de funk qui se répète tout au long du morceau ?

Bon weekend à tous !