The Eternal

Si les iconiques ondes de Unknown Pleasures (1979) on marqué au fer rouge toute la pop culture, c’est beaucoup moins le cas de son successeur, et ultime album de Joy Division, Closer (1980). Publié deux mois après le suicide de Ian Curtis, Closer parachève pourtant la trajectoire post-punk et gothique de Joy Division en démontrant davantage de nuances et de maîtrise que Unknown Pleasures n’en affichait. Prêts à autopsier un chef-d’oeuvre du genre ?

Il est intéressant de remettre en contexte que le post-punk à tendance gothique était en 1980 à ses tout premiers pas, et restait globalement un objet curieux. Bauhaus avait inauguré le concept de musique « gothique » quelques mois auparavant avec les neuf minutes légendaires de « Bela Lugosi’s Dead« , The Cure n’en étaient qu’au premier volet de leur « trilogie glacée », Seventeen Seconds (1980), et personne n’imaginait encore entendre un jour un album comme Pornography (1982). Unknown Pleasures avait été la synthèse innovante d’un style sombre avec un son typiquement punk, bien loin de l’atmosphère des œuvres des Ramones ou de Patti Smith qui représentaient alors le genre, et Closer visait à compléter une définition de ce nouveau courant. Le post-punk tel que conçu par Joy Division était alors encore incompris : lorsqu’il eut Closer entre les mains, certain du succès à venir de l’album, le patron de la maison de disques fit d’ailleurs cette fameuse déclaration à Bernard Sumner, guitariste de la formation, qu’il serait à coup sûr en train de siroter un cocktail dans une piscine à Los Angeles dans moins d’un an ! On se demande presque s’il avait entendu le bon disque tant il apparaît que Closer ne visait pas le succès commercial, et lorgnait de fait plutôt vers les abysses que vers le bord de la piscine… Souvent rythmé mais austère, funèbre, Closer est d’une beauté sinistre difficile à égaler. Closer ne cherche toutefois pas à entamer l’humeur de l’auditeur et s’il teinte intensément l’atmosphère, c’est plus de solennité que de déprime. Le triplet final de l’album se succède dans un ordre inattendu : « Twenty-Four Hours » précède « The Eternal« , qui enchaîne sur le final « Decades« . Si l’on peut s’étonner qu’il n’ait pas été jugé opportun d’inverser l’ordre des deux derniers titres, qui auraient offert alors une vraie gradation (de vingt-quatre heures aux décades puis à l’éternité), cela peut se comprendre à l’écoute : « The Eternal » est une pièce si intensément sépulcrale que l’on peut imaginer qu’elle semble indigeste en final d’un album plein comme un œuf tel que Closer. Expression poétique d’une fixation dans le temps, exempte de tout tumulte et menée à la basse et au clavier avec une élégance infinie, « The Eternal » plonge lentement vers une dissolution complète, des sons comme de la narration. Un document sublime, incontournable, à écouter fort et à laisser infuser…

Bon weekend et à la semaine prochaine !

Une réflexion sur “The Eternal

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